Divorcer “sur internet”

Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, de la réforme du divorce par consentement mutuel permettant (en cas d’accord total des époux tant sur le principe du divorce que sur toutes ses conséquences) de divorcer sans passer par la case « juge » par « acte sous signature privée contresigné par avocats » ensuite déposé au rang des minutes d’un notaire, de multiples sites se sont développés proposant, en ligne, un divorce simple et le plus souvent peu coûteux.

Sur le principe, si rien n’interdit à un avocat (l’avocat demeurant obligatoire pour ce type de procédure, et la réforme obligeant chacun des époux à avoir le sien, alors qu’auparavant, avec le divorce judiciaire, les époux pouvaient avoir un avocat commun) de proposer ses services et d’en vanter le coût, en revanche il faut demeurer vigilant sur la réalité et la qualité des prestations proposées, ainsi que le respect des règles applicables.

C’est ainsi que j’ai été interrogée par une personne qui m’a soumis son problème :

« Bonjour, je suis en procédure de divorce par Internet. Jusque là tout s'est bien passé. Or lors de la signature de la convention ce sont 2 avocats ayant une délégation de signature qui ont signé à la place de nos avocats du fait que nos avocats étant sur PXXXX, la signature à été délégué à des avocats de BXXXXX.

Le notaire ne veut pas enregistrer le divorce car ils nous dit que c'est non valable.

Je souhaite donc savoir si c'est vraiment autorisé ou pas.

De plus les annexes sont arrivés dans un courrier différent de la convention en recommandé aussi. Est ce possible aussi ou le notaire peut il utiliser cette excuse pour ne pas enregistrer le divorce. Merci beaucoup des réponses que vous pourrez m'apporter. »

Pour information, les textes applicables prévoient, notamment, que chacun des époux ait son propre avocat, afin notamment de vérifier l’identité des parties, de leur prodiguer à chacune des conseils avisés et personnalisés (ce qui ne peut se faire qu’après un rendez-vous au cours duquel diverses questions seront posées par l’avocat à son client, qui déterminera ensuite ce qui doit être prévu dans la convention après une analyse personnalisée de la situation) et de s’assurer de leur consentement réel et éclairé (avec donc des éclairages sur leurs droits, et sur les conséquences des différents éléments de l’accord envisagé).

Si divers éléments peuvent aisément être échangés en ligne, en revanche divorcer « par internet » sans avoir rencontré chacun préalablement son avocat et avoir reçu les conseils personnalisés est déconseillé. Non seulement cela est contraire à la volonté du législateur, mais en outre cela est très risqué puisqu’il sera impossible pour les époux de savoir s’ils ont bénéficié de conseils avisés et surtout adaptés à leur situation personnelle qui n’est jamais la même que celle du voisin.

L’exemple ci-dessus illustre en outre certaines dérives.

En effet, il apparaît que les avocats nommément désignés pour chacun des époux (dont on ignore d’ailleurs s’ils les ont simplement rencontrés…), en contradiction avec les textes, n’ont pas signé la convention.

Or, il est prévu, pour avoir recours à cette procédure, que la signature se fasse en même temps par toutes les parties et leurs avocats, ensemble, au cours d’un seul et même rendez-vous. Et il est bien évident que seuls les époux et leurs avocats désignés sont autorisés à signer la convention de divorce, ils ne peuvent pas déléguer cela à un tiers ; cela engage tant les époux, sur le contenu de leur accord, que les avocats signataires sur leur devoir de conseil.

Ensuite, et si l’énoncé ne le précise pas, il semblerait qu’il y ait possiblement une difficulté relative aux notifications, puisque la convention de divorce (et éventuellement ses annexes) doit avoir été notifiée par lettre RAR à chacun des époux (qui doit obligatoirement retirer lui-même le recommandé, et ne peut pas le déléguer à un tiers) qui ont ensuite un délai obligatoire de réflexion de quinze jours avant d’avoir le droit de la signer valablement.

Et le Notaire qui reçoit ensuite le dépôt de l’acte est tenu de s’assurer du respect de ces obligations (ainsi que d’autres non développées ici) avant d’accepter de recevoir le dépôt de la convention.

Ce qui conduit donc, lorsque les conditions obligatoires posées par les textes ne sont pas remplies, au refus du dépôt.

Et ce qui amène malheureusement les époux à devoir recommencer pour que le processus se déroule dans le respect des obligations imposées par les textes.

Alors, si d’aventure le divorce « sur internet » vous tente, assurez-vous, avant de vous engager dans cette voie, que vous serez reçu au moins une fois chacun par votre avocat personnel préalablement à la préparation de la convention, que vous pourrez le contacter en cas de besoin (changement de situation, question à poser) puis que chacun des avocats sera bien présent pour le rendez-vous de signature et n’oubliez pas que si les tarifs sont très très bas, il est possible que la qualité du service soit en adéquation avec le prix…

Lien vers le code civil : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=9E71456C6615002BD14F38C0C28D0219.tplgfr34s_2?idSectionTA=LEGISCTA000033460875&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20171128