En matière de polices d'assurance construction, la cour de cassation vient de confirmer que lorsqu'il y a deux polices d'assurance dommages ouvrage et responsabilité décennale sous un même numéro, l'assignation de l'assureur en une seule qualité n'a pas vocation à faire cesser le délai de prescription de l'autre.
Dans cette espèce, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 19 janvier 2017), la société M., aux droits de laquelle se trouve la société C., devenue G., a édifié une maison d’habitation, dont la réception est intervenue le 10 octobre 1996 ; que la société M. a souscrit auprès de la société AGF, aux droits de laquelle vient la société Allianz, deux polices, une assurance dommages-ouvrage et une assurance de responsabilité civile décennale des constructeurs, sous le même numéro ; que M. et Mme X... ont acquis cette maison de M. et Mme Z... ; que, des désordres étant apparus, un expert judiciaire a préconisé de consolider les fondations et le dallage par des injections de résine ; qu’à la suite d’une inspection des réseaux de canalisation sous dallage qui se sont avérés non étanches, les travaux de reprise ont été arrêtés ; qu’un nouvel expert a conclu qu’en raison de l’importance et de l’évolution des désordres, il était impossible d’envisager de réparer l’existant et qu’il y avait lieu de démolir pour reconstruire un pavillon identique ; que M. et Mme X... ont assigné la société G.et la société Allianz en indemnisation de leurs préjudices ;
Attendu que la société G.et M. et Mme X... font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable l’action de ces derniers à l’encontre de la société Allianz en qualité d’assureur de responsabilité décennale de la société G., comme prescrite alors, selon le moyen :
- 1°/ qu’en présence de deux polices d’assurances souscrites le même jour, sous un numéro identique, l’action intentée sur le fondement de l’une des polices interrompt nécessairement le délai de prescription de l’action fondée sur l’autre police ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même relevé que la police dommages-ouvrage et la police constructeurs de maisons individuelles ont été souscrites par la société M.à effet du 1er janvier 1992 « sous le même numéro 31 387 360 » ; qu’en retenant pourtant que l’assignation de la compagnie d’assurances en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage n’avait pas interrompu le délai de prescription de l’action engagée pour le même ouvrage contre la même société, prise en qualité d’assureur de responsabilité civile décennale, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article L. 114-2 du code des assurances ;
- 2°/ que lorsque deux polices sont unies par un lien d’interdépendance, l’interruption de la prescription de l’action exercée à l’encontre de l’assureur, sur le fondement de l’une des polices, s’étend à l’autre ; qu’en s’abstenant de rechercher si les deux polices souscrites le même jour par la société M., sous le même numéro de police, auprès du même assureur, et qui couvraient le même risque matériel, n’étaient pas unies par un lien d’interdépendance justifiant l’extension de l’effet interruptif de prescription, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-2 du code des assurances ;
Mais la cour confirme que l'assignation ne faisait pas référence à la qualité d’assureur de responsabilité décennale des constructeurs et la cour d’appel, qui en a exactement déduit que, l’assignation de l’assureur en sa seule qualité d’assureur dommages-ouvrage n’avait pas interrompu le délai de prescription de l’action engagée pour le même ouvrage contre la même société, prise en sa qualité d’assureur de responsabilité civile décennale, a légalement justifié sa décision.
Attention donc à bien assigner l'assureur en ses deux qualités quand un seul numéro de police est mentionné !