Moyen de preuve et limites

Le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.  

C'est ce que rappelle la Cour de cassation le 25 février 2016.

Un entrepreneur avait été victime d'un accident corporel alors qu'il réparait un puits.

Le soupçonnant de simuler un handicap et contestant l'importance des troubles de la locomotion invoqués, l'assureur avait produit en justice quatre rapports d'enquête réalisés par un détective privé. Ces rapports montraient notamment l'entrepreneur menant une vie normale avec des activités physiques sans gêne particulière, sauf lorsqu'il approchait des locaux d'un assureur.

"Il marchait lentement, s'appuyait sur une canne, courbé, menaçant de tomber à tout moment et entrait avec difficulté dans les bureaux."

L'assureur a obtenu gain de cause devant la cour d'appel de Caen alors que l'assuré demandait d'écarter ces rapports comme preuve, au motif que ces opérations de filature et de surveillance à proximité de son domicile et lors de ses déplacements constituaient une immixtion dans sa vie privée.

La Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel au motif que :

"Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que les investigations, qui s'étaient déroulées sur plusieurs années, avaient eu une durée allant de quelques jours à près de deux mois et avaient consisté en des vérifications administratives, un recueil d'informations auprès de nombreux tiers, ainsi qu'en la mise en place d'opérations de filature et de surveillance à proximité du domicile de l'intéressé et lors de ses déplacements, ce dont il résultait que, par leur durée et leur ampleur, les enquêtes litigieuses, considérées dans leur ensemble, portaient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés"

Peut-on alors considérer qu'un seul rapport d'enquête privée sur une courte période aurait été recevable et fait emporter l'assureur ?